EXPEDITION DANS LE MONDE ENTIER - PROCHAINE REMISE EN POSTE LE LUNDI 13 MAI 2024

Sybille, au magasin, en vue d’offrir un oreiller à son compagnon Jonathan, dont nous n’avons pas une claire représentation

PAR janick constant

Shot of a confident young woman working from home

Offrir un oreiller à sa moitié, en visant au plus juste si possible, est une entreprise bien plus exigeante encore que le choix d’un vêtement, d’une montre ou d’un stylo. Connaissance de l’autre, de sa sensibilité, des déterminants intimes de son sommeil, un jeu de piste parsemé d’embûches…

Sybille, 30 ans, me donne les indications qu’elle peut sur cet homme d’1m75 plutôt mince et du même âge, dont on sait simplement qu’il n’aime pas les oreillers trop mous, qu’il se contente mal de la « galette » qu’il utilise en ce moment, essentiellement sur le ventre, et que malgré son jeune âge il se plaint du cou. Sans être voyant ni voyeur, une photo aurait pu m’aider !

Le cadeau doit faire mouche si possible et nous devons toute notre concentration pour croiser les éléments décisionnels essentiels au choix que nous allons opérer en son nom, pièces du puzzle qui nous sont rapportés tant bien que mal par une tierce personne, fut-ce t’elle celle qui dort tout à côté chaque nuit.

Un choix intermédiaire en cadeau

Le sommeil ventral est une donnée complexe qu’il est difficile d’appréhender en l’absence du principal intéressé. Faute d’informations assez personnelles pour comprendre ses déterminants, nous allons faire par procuration un choix intermédiaire, moyen, central, en optant pour un oreiller en latex naturel de format 45×65 cm, qui d’une certaine manière n’engage à rien mais permettra d’orienter le débat qu’il ne manquera pas de susciter dans le lit conjugal.

Certes, c’est une sorte d’oreiller du milieu dans le spectre des possibles, ni trop haut ni trop bas, ni trop mou ni trop ferme, ni trop tonique ni trop atone… Ainsi fut fait, et cet oreiller se retrouve au pied du sapin, et nous verrons bien si des éléments émergent ensuite qui nous permettent d’affiner la proposition.

Rebondissement car trop de rebond

La suite nous est connu. Sybille revient nous voir quelques jours plus tard avec l’oreiller mais aussi son récipiendaire, ce qui bien entendu l’idéal pour notre travail. Enfin, à l’appui de l’essai plaisant mais infructueux qu’il en a fait, nous allons pouvoir aller au fond des choses, cerner ses besoins précis et ajuster le tir vers un modèle qui lui ressemble davantage.

Jonathan, dont il s’agit, est grand et mince en effet, on peut ajouter maintenant que je l’ai devant moi qu’il a un cou assez long tout comme la tête, qui est grande. On sait déjà en le voyant qu’il lui faut une surface de contact et de sustentation qu’un format rectangulaire n’autorise pas : l’oreiller de Jonathan doit être carré par définition.

Dormir sur le ventre par défaut…

Quant à son appétence à dormir sur le ventre, on comprend vite que c’est le corps qui s’est adapté au contexte. Son oreiller actuel en polyester est plat et ne vaut rien de bon, qu’à cela ne tienne, son corps l’a mis en pratique dans la seule position à laquelle il puisse se prêter : sur le ventre. Jonathan ne dort aujourd’hui que comme son oreiller actuel l’y autorise, il s’est adapté au terrain…

C’est le drame d’une partie de la population, finir par dormir avec les moyens du bord, non pas comme on aimerait, mais avec ce dont on dispose : une galette en fibres synthétiques vendue par millions d’exemplaires chaque année dans tous les supermarchés de France, qui ne dure pas beaucoup plus longtemps que celui de passer en caisse avec son chariot, qui bouloche, s’écrase et qu’on use par résignation, comme une montre qu’on n’aimerait pas, qui est toujours en retard, qui est trop lourde, qui fait mal au poignet, mais on fait avec faute de mieux. Forcément le réveil est douloureux, le cou crie souffrance…

En route vers le bon choix

Qu’à cela ne tienne, nous allons proposer à Jonathan une alternative en volume, épaisseur et densité, qui puisse lui offrir un nouveau champ de possibilités.

L’oreiller en latex rectangulaire offert à Noel est maintenant loin derrière nous. Ce n’est pas qu’il soit mauvais en soi, mais il ne répondait pas à l’équation qui se pose à nous maintenant que les données sont connues. Et nous comprenons que la contre-poussée du latex était de surcroît excessive pour lui, manquant d’absorption.

Le premier oreiller que je lui fais essayer sera le bon : un modèle en plumettes d’oie majoritaire 60×60 cm, d’un poids d’un kilo de rembourrage, que nous appelons l’Oreiller à l’Ancienne. La masse offerte va autoriser notre dormeur à s’installer sur le dos et sur le côté, ce qu’il ne faisait plus chez lui depuis longtemps faute de ressources, et aussitôt en effet je le vois pivoter de cette façon sur notre lit.

Recouvrer sa liberté perdue de positions confortables

D’abord sur le côté, la masse de l’oreiller de plumes carré compense l’épaule de Jonathan tout en souplesse, et la course de descente sous le poids de la tête s’arrête assez tôt pour ne pas créer de l’inconfort en poursuivant trop bas. Pas besoin d’ajouter les bras et les mains en soutien. L’oreiller suffit et c’est ce qu’il faut.

Dans un tel oreiller, nous mettons beaucoup plus de plumettes de 35 millimètres de long que de flocons de duvet. La plumette a une forme convexe avec fine tige d’une extrême souplesse, c’est un véritable petit ressort naturel et c’est bien ce qu’il faut pour engendrer l’effet de suspension recherché. La capacité de compression est donc beaucoup plus limitée que dans un oreiller en duvet majoritaire, par essence plus mou.

C’est en jouant entre ces deux matériaux, plumette et duvet, même si issus du même plumage d’oie, que nous pouvons ajuster la résistance à la compression d’un oreiller et donc prendre véritablement en considération la morphologie de l’utilisateur et la force de pression qu’il exerce avec tout le haut de son corps.

Adéquation en position de côté

Jonathan, en confiance dans cet oreiller qui maintient sa tête dans l’axe de sa colonne vertébrale, peut profiter de la position de côté à loisir, sans contrainte ni tension, et il est vrai qu’il s’y attarde, comme surpris que ça soit possible, réminiscence sans doute d’un confort d’enfance quasi oublié.

La tête est soutenue comme il faut, son poids ne repose plus sur l’épaule inférieure, il n’y a plus d’avachissement cervical, et on sait combien celui-ci est capable de provoquer des douleurs jusqu’en bas du dos…

Et maintenant sur le dos !

Je le vois qui poursuit sur le dos, presque machinalement, et là, nouvelle révélation : l’oreiller est très progressif, glisse facilement sous ses épaules, soutient tout le dos point par point, relève suffisamment la tête, et l’on comprend que notre ami trouve dans la plumette l’effet de détente qui lui plait, sans la forme monobloc et sans la contre-poussée tonique du latex qui n’étaient pas faites pour lui.

D’ailleurs, l’oreiller en plumettes d’oie 60×60 cm va vite révéler un autre avantage pour lui. Quand il remonte vers la tête du lit et comprime ainsi l’oreiller contre le mur, le coussin se comprime légèrement en accordéon par le milieu, offrant une liberté d’ajustement unique tant en hauteur qu’en densité, ce que ne permettrait pas un modèle rectangulaire.

Retenez bien cela, l’oreiller carré offre une capacité de réglage latéral derrière vous, contre la tête de lit !

Faute d’informations suffisamment précises, nous étions partis en cadeau à offrir sur un oreiller monobloc rectangulaire en latex pour quelqu’un dormant a priori par convenance personnelle sur le ventre. Nous voici pour procéder à l’échange sur un modèle carré en plumettes d’oie qui va rebattre les cartes des positions autorisées et préférées. La différence entre les deux conforts peut sembler toute relative sur une table au toucher. Elle est énorme en position couchée pour l’usager concerné.

Enseigner l’oreiller comme une mathématique

Aujourd’hui, je mène ce travail au quotidien auprès des particuliers, mais pas seulement. A partir du moment où un choix de conforts différenciés est proposé et offert à disposition de façon concrète, d’autres portes s’ouvrent logiquement. J’interviens ainsi de plus en plus souvent en formation de gouvernantes dans les grand hôtels et palaces, qui ont compris l’enjeu central de cette question dans la manière de marquer une attention et personnaliser un séjour.

Nous y définissons un menu d’oreillers à destination de ce que l’on y nomme non pas des clients mais des hôtes, et le mot est lourd de sens, après quoi nous donnons un cours d’oreillers à toute l’équipe en charge de les mettre en œuvre au fil des nuitées.

Pour une diététique de l’oreiller

Il me semble qu’il manque sans doute beaucoup de cours pratiques pendant la scolarité de nos enfants, savoir reconnaitre les arbres, identifier les cultures de nos régions, toucher du doigt la vie de la ferme, appréhender la diététique alimentaire… j’ajouterais un cours sur l’oreiller, car c’est un de ces domaines où l’offre commerciale courante n’offre ni exhaustivité des solutions ni opportunité de se mieux connaître soi-même, alors que les solutions existent pourtant, tapies quelque part dans la mémoire collective.

« Diaitêtikê » est l’origine grecque du mot “diététique” et signifie « Hygiène de vie », alors va pour une diététique du couchage personnalisé !

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