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« Un plaidoyer pour le confort naturel et personnel, écrit par un travailleur manuel »

PAR janick constant

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Janick Constant répond aux questions de François Varlet, journaliste indépendant, suite à la publication de son livre « Manuel de l’Oreiller ».

F.V. : Votre livre “Manuel de l’Oreiller” paru il y a quelques mois propose une approche assez exhaustive du sujet, on sent que c’est votre passion…
J.C. : j’écris sur ce que je connais, après avoir déjà planché pendant 25 ans sur le sujet, et comme je suis au contact des utilisateurs tous les jours, il m’a semblé temps de faire profiter le plus grand nombre des connaissances accumulées. 25 ans de travail, je ne sais pas si c’est le seuil de la légitimité, mais en tout cas j’étais prêt et c’est sorti tout seul en quelques semaines d’écriture.

F.V. : Vous décrivez dans votre livre une situation assez terrible, un choix d’oreillers dans le commerce plutôt à côté de la plaque, dont pratiquement personne ne se satisfait, ce n’est pas un peu radical comme vision des choses ?
J.C. : Je ne crois pas que ce soit exagéré, j’ai le retour des gens tous les jours, c’est vraiment une situation de détresse chez beaucoup d’entre eux, une souffrance physique souvent, que l’oreiller ne soulage pas quand ce n’est pas lui qui la provoque, et au-delà, il ne faut pas se le cacher, chacun a plutôt intérêt à se composer un protocole de sommeil performant aujourd’hui s’il veut faire face au monde qui l’entoure et tenter de récupérer et de se régénérer du mieux possible, nuit après nuit…

F.V. : Quel peut être l’intérêt des industriels de proposer dans le commerce des oreillers qui ne conviennent à peu près à personne ? Vous dénoncez notamment la fibre polyester et la mousse à mémoire de forme…
J.C. : L’intérêt d’un industriel n’a pas grand-chose à voir avec celui d’un utilisateur. Le système général veut du prix, pour faire du prix, il faut des matériaux bon marché et une très grande cadence de fabrication, donc on fait des usines automatisées où le matériau des oreillers peut et doit passer dans un tuyau à travers toute l’usine et où 4 personnes appuient sur quelques boutons pour fabriquer 25.000 oreillers par jour. L’usine fonctionne à partir d’une énergie qui est le pétrole, le matériau des oreillers est lui-même issu du pétrole, puis on livre un peu partout avec un camion qui fonctionne au gazole. Du pétrole d’un bout à l’autre et jusque sous votre tête…
Après on peut toujours raconter aux gens que c’est comme du duvet en moins cher ou que c’est traité contre ceci ou cela. Le prix a fait le produit, le produit a fait l’usine, l’usine a fait le marketing qu’il faut pour que ça se vende, qui vous fait passer toute tentation de chercher autre chose. Aujourd’hui un oreiller synthétique est vendu dans un emballage vert avec une image représentant des feuilles, de la chlorophylle et des papillons, on en est là, et ça se vend par millions d’exemplaires chaque année, y compris dans les magasins bio qui n’ont pas lu la composition…

F.V. : Ok pour l’absence d’éthique, le greenwashing, nous aurons sans doute l’occasion d’y revenir dans un autre entretien, mais et le confort dans tout ça ?
J.C. : c’est bien la notion qu’on a oubliée, qu’on passe sous silence, et qui devrait être à la racine de toute démarche : comment on peut fabriquer un bon oreiller pour quelqu’un, comment on peut y arriver, avec quoi dedans, pour quel type d’individu, grand, petit, dormant comme ci ou comme ça, mais ça c’est une démarche d’artisan, à l’ancienne, comme aurait fait mon grand-père et comme je fais en pensant à lui. Ça n’arrange pas du tout l’industrie de faire comme ça, qui s’emploie toute la journée à standardiser et uniformiser tout ce qui passe. Or l’oreiller pour moi, c’est le comble de la subjectivité, de la personnalisation, en un mot de la singularité si on veut bien faire les choses en servant au plus près les besoins de chacun.

F.V. : Il y a plusieurs niveaux dans votre démarche, d’abord faire des oreillers très différents les uns des autres, pour toutes sortes de gens, mais aussi ne le faire qu’en matière naturelle.
J.C. : Les deux aspects sont étroitement liés en réalité, car si vous ne faites pas appel aux ressources de la nature, vous ne pouvez pas atteindre une telle diversité de conforts, en termes d’élasticité, résilience, fluidité, densité, résistance à la compression etc., car il est clair que tout est dans la nature, j’ai envie de dire « il n’y a qu’à se pencher » même si on sait bien ici qu’il y a un énorme travail humain derrière, mais au-delà de ça vous vous dites : comment on peut faire dormir les gens sur un dérivé pétrolier, de la fibre de synthèse, de la mousse polyuréthanne, du latex de synthèse, des produits chimiques ?!
Aujourd’hui, l’oreiller du commerce est l’archétype du produit conçu dans l’intérêt unique de l’industriel, avec une valeur d’usage pour l’utilisateur qui est, disons-le, nulle. L’important c’est que toute la fibre passe à travers l’usine dans le même tuyau sous pression, quel que soit le nom commercial qu’on donne à cette fibre, demain, l’an prochain, dans 5 ans… c’est une industrie mono-matière, mono-produit, mono-confort ! L’industriel se casse beaucoup moins la tête dans son usine que son client sur l’oreiller qui en sort et qui est bon à jeter en l’espace de trois semaines ! Aujourd’hui, le marketing d’un fabricant d’oreillers en polyester n’est même plus de son ressort, il est entre les mains des rares fournisseurs mondiaux de fibres polyester, qui déposent un nouveau brevet de temps en temps, histoire de réinventer le fil à couper le beurre !

F.V. : Comment les gens vous rapportent-ils cette situation ?
J.C. : on est en plein conflit entre l’industrialisation de masse et l’attente personnelle. Pour ça, l’oreiller est un produit à part. On peut s’entendre sur ce qu’est un bon couteau, une bonne paire de chaussures, un bon biberon, un bon ordinateur, mais un oreiller, sommet de l’individualisme ?
Si je demande ici à 100 personnes ce qu’elles ont comme oreiller en venant me voir, 98% me répondent d’un air un peu gêné et assez résigné « un oreiller ordinaire », « un oreiller de grande surface », “un oreiller quelconque”, voire parfois « un bête oreiller » ! Chacun doit se demander s’il a envie pour lui-même, pour son conjoint, pour ses enfants, de sortir de l’ordinaire ou pas. C’est pour ça que j’ai appelé mon entreprise « Mille Oreillers » quand je l’ai créée en 2002, j’ai voulu leur dire : « si un jour vous voulez creuser la question, nous serons là pour vous ouvrir des horizons ! » parce qu’on s’est penché plutôt deux fois qu’une sur le sujet.

F.V. : A vous écouter, on se dit que l’acte d’achat d’un nouvel oreiller chez vous demandera une démarche volontaire ?
J.C. : bien entendu, et c’est très bien ainsi. Pour nous trouver, il faut nous connaitre, pour nous connaitre, il faut chercher, pour chercher, il faut se poser des questions, pour se poser des questions, il faut prendre du recul, pour prendre du recul, il faut décider à un moment donné de mettre les choses en perspective.
Cela vaut pour nous trouver ici, et bien entendu cela vaut en toutes autres disciplines pour se trouver soi-même. Socrate n’a pas dit autre chose il y a 2.500 ans par le jeu du questionnement permanent qu’il cultivait auprès de son auditoire, jusqu’au jour où on l’a condamné à mort sous prétexte qu’il “corrompait” son entourage…
En ce qui me concerne, je ne cherche à corrompre personne, j’ai juste envie d’aider les gens parce que je pense que j’ai les outils pour cela, et je ne veux surtout rien faire à l’insu des gens, je préfère encourager leur discernement et leur propre conviction.

Ici dans l’équipe, nous avons tous un profond engagement d’honnêteté, de qualité, de naturalité, de fabrication sur place et de service. C’est un travail extrêmement gratifiant pour chacun d’entre nous parce que tout ce qui nous anime dans la vie à titre individuel s’y trouve réuni.

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Manuel de l’Oreiller”, par Janick Constant, en vente au prix de 7,90 euros sur les pages oreillers de la boutique.

Cet ouvrage est offert pour toute commande d’oreillers effectuée sur le site.

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